dimanche 20 février 2005
Et maintenant croisiéristes !
Par Elisabeth et Georges, dimanche 20 février 2005 à 18:06 :: Chili
Cette Patagonie est une de ces dernières grandes étendues sauvages dans le monde, que nous allons remonter sur 1.500 km. Depuis deux jours, nous naviguons à travers le Parc National Bernardo O’Higgins, parmi les fjords, au pied des volcans, médusés par le spectacle qui nous entoure…
Serons-nous un jour blasés par tout ce que nous découvrons au fil de cette Itinérance ?


Nous embarquons ce jeudi à 21h sur le "Puerto Eden", un des plus anciens bateaux de la compagnie. Il est complet avec à son bord quelque 250 passagers de tous horizons. Au départ, vendredi à 6h30, le largage des amarres se fait sous un ciel bas. Des bourrasques de vent renforcées par la marche du bateau nous flagelle sous une pluie fine. Nous traversons ainsi le golfe Almirante Montt et voguons à 14 nœuds vers le N – W ; latitude 51° 42’ 08" S (ça c’est un récit de voyage documenté). Les rives du fjord sont à peine visibles dans l’épais brouillard. Telles des barques fantômes, de petites îles grisées surgissent de la brume. Quelques grands glaciers demeurent encore et le bateau fait un crochet pour nous permettre d’en contempler un. Puis le temps se lève et nous nous trouvons au cœur de ce labyrinthe naturel de canaux qui serpentent entre d’innombrables archipels couverts de bosquets. Malgré le nombre de passagers, le silence règne ; les yeux sont rivés sur le décor qui défile au rythme d’une balade.


Et le bonheur continue bien tard : la nuit pure s’écoule sous les innombrables étoiles, suspendues comme un nuage de poussières lumineuses, dominées par la Croix du Sud resplendissante.
Ce samedi, le ciel est dégagé. En début de matinée, escale à Puerto Eden, l’unique village croisé pendant le parcours. Ils sont 200 à vivre sur cette île Wellington. Leurs ancêtres étaient venus de l’île de Chiloé, derniers membres de l’ethnie Kaweshar, sur le point de s’éteindre. Cette information nous convainc de rester à bord : comme quelques dizaines d’autres, nous nous dispensons de cette "attraction touristique". Plusieurs barques viennent chercher la majorité des passagers pour la visite clic-clac aux bons sauvages. Pendant une heure, la population du village double…


L’après-midi, après avoir laissé par bâbord l’archipel Guayaneco, nous quittons les eaux tranquilles des détroits et canaux et pénétrons dans le Pacifique pour quelques heures redoutées. Car l’océan, ses vents violents et ses courants inquiétants peuvent transformer cette partie du voyage en une expérience dantesque ! Le navire avance à 13 nœuds et nous pénétrons par 47°38’41" (toujours repéré par-dessus l’épaule du capitaine) dans ce "Golfo de Penas" (golfe des peines) qui porte si bien son nom. Pour trouver… un océan d’huile ! Le calme plat… A peine une légère houle se forme-t-elle, soulevant délicatement le cœur de certains passagers.
Peut-être fait-il exactement le même temps que le 1er novembre 1520, lorsque Fernand de Magellan y pénétra lui-même. Notre prédécesseur dans ces lieux décida ainsi de baptiser cet océan "Pacifique"…


Ce matin, nous réalisons les deux projections promises : l’une en version espagnole et la seconde en français sous-titrée en anglais (Si l’arrière-grand-père de Geo voyait jusqu’où nous racontons sa vie !). Nous faisons salles combles. Plus d’une centaine des touristes est venue assister à cette projection surprise : chiliens, argentins, français, irlandais ou italiens pour les plus nombreux… au total, une vingtaine de nationalités. Et nous nous régalons des échanges qui suivent, dans un invraisemblable enchevêtrement de langues. Le cerveau de Geo se fait des nœuds en animant les débats : des phrases débutées en anglais se terminent en espagnol, ils se retrouvent même à répondre en français avec l’accent chilien ! Mais il en reste surtout que ces touristes, capables de s’organiser des vacances avec une croisière aussi lointaine, sont particulièrement séduits par l’histoire de cet aventurier européen en forêt amazonienne au début du siècle dernier et par le tour du monde des descendants…
Comme Cristián, avocat international quadragénaire, qui offre la croisière à ses fils en vacances : il est descendant de basques arrivés au Chili à la fin du 16ème siècle. Séquence "tradition et modernité" : nous prolongeons ensuite la conversation avec lui et finissons par échanger de Mac à Mac (il fait partie de la minorité culturelle) fichiers et tuyaux. Il nous a d’ailleurs parlé de possibles connexions Wi-Fi dans le pays que nous allons tester dès que nous serons à terre demain…


Les heures maintenant continuent de s’écouler doucement entre prises de vues, discussions et écriture… le regard inlassablement tourné vers le décor qui nous entoure. Comme lu dans un dépliant touristique : "La Patagonie, relique d’une ère passée, conservant une nature intacte".